Africains, faut-il des morts chez le voisin pour nous remémorer les nôtres ?

Article : Africains, faut-il des morts chez le voisin pour nous remémorer les nôtres ?
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16 novembre 2015

Africains, faut-il des morts chez le voisin pour nous remémorer les nôtres ?

Les attentats de Paris n’étaient donc pas une épreuve pour le seul peuple français. Sous d’autres cieux, les nôtres notamment, cela a permis de mettre à nu le manque d’humanisme de certains. Il a fallu des morts chez le voisin pour nous remémorer nos fils tombés.

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Dans l’entendement de plusieurs d’entre nous, nul autre, si ce n’est le seul peuple français, n’avait le droit de crier son désarroi face au mépris de la vie humaine. Et comme un beau « come-back », ceux-ci se sont laissés prospérer dans des contre-hommages, déguisés en hommages à leurs disparus à eux. De quoi faire retourner du fond de leurs tombes, les pères des durs combats pour l’égalité entre les races.

Aux premières heures, j’ai été de ceux qui ont soutenu qu’un africain qui meurt, ce n’est pas le monde qui brûle. Mon avis n’a pas changé d’un iota sans pour autant que cela me donne un cœur de pierre. Oui car il fallait l’avoir très dur et même les nerfs en acier pour rester insensible à la barbarie qui s’est déroulée à Paris. Dès le lendemain de ces attentats, l’indignation du monde entier n’a pas tardé à s’exprimer. Et comme pour faire taire cela – car nos morts eux n’en ont pas bénéficié – j’ai vu mes frères marteler que l’Occident n’a pas été aussi sensible aux morts qui se comptent par milliers sur le continent mère de l’humanité. Un mort, de plus victime des idéaux de barbares d’une autre ère, n’a ni religion, ni nationalité, ni race… Mais pour paraître plus africain, il fallait faire un effort surhumain pour ne pas se laisser influencer par le diktat du blanc. Oui c’était là le mot d’ordre.

Du « pseudo-panafricanisme » à « l’afro-égoïsme »

J’ai entendu, j’ai vu et j’ai eu encore plus mal.
Comment peut-on se réjouir d’un malheur qui arrive à autrui sous prétexte que ce dernier n’a pas versé de larmes quand le même malheur nous atteignait ?
Et comment peut-on faire des décomptes macabres de mort et annoncer que ce n’est rien en comparaison aux nôtres.
Nous sommes africains, nous sommes fiers de l’être et surtout de le dire. A chaque coin de rue nous crions cela mais avant tout, nous sommes bien des humains. Choisit-on de ressentir de la compassion surtout quand il s’agit de mort ? En réalité les dénonciateurs du suivisme sont les plus grands suiveurs.
Pour certains, le panafricanisme ne se résume qu’à accorder de la valeur à ce qui concerne l’Afrique, tout le reste n’a aucune raison d’être cité. Alors que vous compatissiez à la douleur de l’autre fait de vous un idiot à l’intelligence engraissée par les idéologies colonialistes.

La force des médias, la vraie puissance

La communication, c’est le pouvoir. Lorsqu’une catastrophe se produit quelque part, et qu’il faut que nous africains, attendions l’action des organes de presse occidentaux pour en être informés, comment voulez-vous que l’engouement du monde entier soit sans appel ? En Afrique, c’est la famille du défunt qui donne le rythme des pleurs, les soutiens ne font que suivre. Tant que nous ne pleurerons pas nos morts avec l’énergie qui sied à la valeur qu’ils occupaient dans nos cœurs, nous ne verrons jamais le monde compatir à notre douleur. Les occidentaux peuvent bien passer cela sous silence mais nous que décidons nous de faire ? J’ai encore en mémoire les attentats de Nairobi (université kényane de Garissa) qui n’auraient certainement pas eu le même écho si les médias internationaux n’avaient pas relayés les informations. Ou étions-nous donc africains fiers de sang et de chaire ? N’avons-nous pas attendu que ce soit Michelle Obama qui donne le signal pour dénoncer l’enlèvement de 267 lycéennes par les membres de Boko-Haram ? Qu’avions nous fait avant ? Et après ? Alors ne nous trompons pas de combat.

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Un hommage en appelle un autre

Dans le même temps, certains de mes frères ivoiriens ont trouvé une superbe parade à #JeSuisParis. En effet, dans la journée du vendredi 13 novembre 2015 (simple superstition ?), il s’est produit un accident dans la circulation abidjanaise (carrefour Riviera 2 et Riviera Faya). C’est donc des inscriptions portant la mention #JeSuisRiviera2 ou encore #JeSuisFaya que mes frères ont trouvé pour contrattaquer l’invasion émotionnelle occidentale. Sauf que cette réaction n’est pas venue naturellement et c’est là tout le paradoxe. Aucun ne vous dira exactement combien de victimes il y a eu dans cet accident. Aucun ne nous décriera avec certitude les circonstances de cet accident. Notre très chère télévision nationale n’en a pas fait échos comme les compatriotes s’y attendaient ou du moins pas comme un media international l’aurait fait. Comment voulez-vous que des voix puissent s’élever quand l’esprit est en veille ? Et pourquoi faut-il attendre les morts du voisin pour nous rappeler des nôtres ? Réaction épidermique ? Rien n’est moins sûr. Dans une folie de jugement, j’ai pleuré de voir des personnes crier haut et fort leur satisfaction pour ce coup dur porter à la France. La folie est souvent sans limite !

Il y a encore de l’humanité sur terre. Pour ceux qui ont encore un cœur, face à tout massacre qu’il soit perpétré à deux pas de chez eux ou à l’autre bout du monde, l’émotion se doit d’être exprimée, la désapprobation montrée et l’inaction dénoncée.
Alors nous continuerons à pleurer les morts – quitte à être influencés par les médias – qui tombent sous les balles assassines des ennemis de la vie humaine. « L’amour des siens ce n’est pas la haine des autres« , aurait-dit Youssoupha.

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